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La pandémie, une occasion de repenser la gestion des matières résiduelles?

https://rncreq.org/2020/06/15/la-pandemie-une-occasion-de-repenser-la-gestion-des-matieres-residuelles/

Par Maude St-Onge, M. Env, animatrice de symbiose industrielle et Benoit Delage, directeur général Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais (CREDDO)

Alors que la pandémie de COVID-19 entraîne un temps de ralentissement et de remise en question, les défenseurs de l’environnement redoublent d’efforts pour positionner l’environnement au cœur des discussions entourant la relance de l’économie. La pandémie que nous vivons depuis le mois de mars nous a rappelé violemment notre dépendance aux diverses boucles qui constituent nos systèmes de consommation. Un mot d’ordre est sur toutes les lèvres depuis les deux derniers mois : Résilience.

Nous devons absolument développer une économie québécoise résiliente, notamment en privilégiant l’achat local et en développant la capacité d’adaptation de nos entreprises. On peut probablement tous penser à une entreprise qui a su se démarquer et survivre à la crise en s’adaptant et en diversifiant son modèle d’affaires.

Un secteur important est fortement touché et passe inaperçu : la gestion des matières résiduelles.

Nous avons observé trois problématiques ces dernières semaines :

1. Le système de la consigne qui paraissait solide et bien orchestré est finalement plus fragile qu’on le croyait. Les bouteilles consignées n’étant plus reprises par les commerçants, la crainte d’une pénurie de contenants à remplissage multiples se fait sentir. Parmi les acteurs concernés, les producteurs de bières s’inquiètent de devoir ralentir leur production.

2. Plusieurs centres de tri ont dû se résigner à réduire leurs opérations jusqu’à un maigre 20 % de leur flux habituel voire même à complètement suspendre toute activité, résultant en un entreposage massif de matières recyclables, et inévitablement à l’élimination d’une portion de ces ressources.

3. Chaque printemps, le même scénario se présente : la joie de pouvoir enfin profiter des chauds rayons du soleil s’estompe rapidement à la vue de tous ces débris oubliés sous la neige. Cet enjeu, bien qu’il ne soit pas initié par la COVID-19, doit être considéré sérieusement. D’autant plus que la fermeture des commerces et des divertissements nous fait tendre vers la simplicité et nous encourage à reconnecter avec la nature.

Notre système de recyclage est dépendant des autres pays. Ainsi, en temps de pandémie, tout s’effondre. N’est-il pas temps de saisir cette occasion de le repenser?

Alors que le gouvernement québécois place l’économie verte au cœur de son récent budget et que les défenseurs de l’environnement font pression pour une relance durable, c’est aussi le moment de nous mobiliser pour une meilleure gestion de nos ressources.

Dans un article cosigné par plus de vingt professeurs, chercheurs et directeurs d’instituts de recherche, développer notre capacité de résilience pour faire face aux prochaines crises sanitaires et climatiques est considéré prioritaire. Cette adaptation concerne plusieurs secteurs qui présentent d’importantes lacunes, dont la gestion des matières résiduelles. La résilience passera notamment par un système de recyclage local et autonome. Les plastiques, qui sont abondamment utilisés et dont le recyclage présente plusieurs freins, sont particulièrement problématiques.

Les quatre éléments suivants sont nécessaires pour orchestrer une boucle de recyclage de la matière :

  1.  Encourager des changements comportementaux importants auprès des consommateurs;
  2.  Augmenter massivement le nombre d’installations de recyclage ;
  3.  Investir dans le développement de technologies ;
  4. Adopter des mesures réglementaires (taxes à l’enfouissement, intégration d’un taux minimal de contenu recyclé, responsabilité les producteurs, etc.).

Pour y arriver, nous prônons l’internalisation des coûts totaux, qui constitue une mesure économique forte dont l’un des objectifs est d’encourager la réduction à la source. Notre recommandation est que les entreprises qui génèrent des déchets, particulièrement les produits à usage unique, assument financièrement le coût total des impacts négatifs impliqués. Dans un premier temps, il s’agit d’assumer le coût de collecte et de transformation. À ce coût est également inclus le nettoyage des rues suite aux dépôts sauvages. La première étape pour opérationnaliser ce changement serait de cibles les cinq grandes entreprises responsables à elles seules de 42 % des déchets de plastique identifiables retrouvés sur les plages du Canada, soit Nestlé, Tim Hortons, PepsiCo, Coca-Cola et McDonald.

Dans un second temps, les entreprises devraient être tenues responsables d’assurer la réutilisation ou le recyclage des matières mises en circulation en contribuant au développement de procédés et de marchés. Les boucles de recyclage locales sont trop souvent freinées pas le manque de débouchés et cette recommandation permet d’y remédier. En obligeant les pollueurs à financer la recherche, l’innovation et la réduction à la source seront fortement favorisées.

La pandémie nous aura rappelé l’importance de déployer une économie locale, durable et surtout résiliente.

Profitons de cette relance économique pour implanter une gestion durable des matières résiduelles.

SOURCES

  1. https://www.quebeccirculaire.org/articles/h/une-relance-indissociable-de-la-crise- climatique.html
  2. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1173764/plastique-industries-canadiennes-dechets- analyse-changements-radicaux
  3. https://static1.squarespace.com/static/56460876e4b040eb3150fb1c/t/5cc89a9dfa0d604 6f3ff1768/1556650659738/M%C3%A9moire_Plastique_Canada_BD.pdf