21 avril 2023 – Le RNCREQ a déposé un commentaire pour présenter ses recommandations quant au Règlement sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses. Le RNCREQ félicite le gouvernement canadien qui, pour honorer son engagement dans la Convention de Bâle, propose d’interdire l’exportation de déchets dangereux vers des pays tiers. Il ne propose cependant aucun durcissement de l’encadrement des importations de ces mêmes déchets, alors que la fonderie Horne importe notamment des États-Unis des composés complexes contenant des concentrations d’arsenic tellement élevées que les rejets de la Fonderie représentent un grave enjeu de santé publique. Selon le RNCREQ, le gouvernement fédéral pourrait donc, dans sa lancée, raffermir sa position sur ses importations.
Introduction
Les déchets dangereux et matières résiduelles dangereuses (DD et MRD) représentent un grave enjeu de santé publique et environnementale, particulièrement lorsqu’ils voyagent sur de longues distances. Leur traitement est également un enjeu de grande importance, et rares sont les installations capables de traiter de manière sécuritaire les déchets les plus toxiques.
Le Canada est signataire de la Convention de Bâle (ci-après “Convention”) sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, ainsi que de son amendement de 2019, qui interdit l’exportation de déchets dangereux entre pays de l’OCDE. La modification du Règlement sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses (ci-après RMT) est l’harmonisation réglementaire proposée par le gouvernement fédéral afin de permettre au Canada d’honorer l’engagement pris dans la Convention.
Le RNCREQ salue cette initiative du gouvernement qui souligne une volonté d’intérioriser nos externalités en nous interdisant d’exporter nos déchets dangereux vers un pays tiers, qu’il soit signataire ou non de la Convention.
Le RNCREQ a eu l’occasion de se pencher sur l’enjeu des mouvements transfrontières de déchets dangereux entre autres en 2022, dans le cadre du renouvellement de l’autorisation ministérielle de la fonderie Horne. Cette fonderie, située à Rouyn-Noranda en Abitibi-Témiscamingue, est stratégique puisque c’est la seule installation d’Amérique du Nord en mesure de récupérer le cuivre, un métal appelé à jouer un grand rôle dans la transition énergétique du pays. Les opérations de la Fonderie causent des rejets atmosphériques d’arsenic supérieurs aux normes en vigueur, et le grand public s’inquiète avec raison de cette situation. Il est important de noter que plus de 75% des intrants de la Fonderie proviennent de l’étranger, majoritairement des États-Unis ; or, les États-Unis ne sont pas signataires de la Convention et ne sont à ce titre pas contraints dans leurs exportations.
Le RNCREQ est d’avis que le gouvernement pourrait aller plus loin afin de préserver la santé des habitant-es et de l’environnement du pays, et propose dans ce commentaire des pistes d’améliorations visant à maximiser l’efficacité du RMT.
Une interdiction des importations de déchets dangereux
Selon le document de consultation, Environnement et changements climatiques Canada (ECCC) propose d’ “ajouter une nouvelle disposition qui interdirait l’exportation de DD et de MRD, ainsi que de tout déchet considéré comme dangereux pour l’exportation à des fins d’élimination” (p.5).
Puisque le Canada est prêt à mettre des mesures en place pour épargner à d’autres pays les risques liés à la gestion de ses DD et MRD, ne pourrait-il pas accorder à sa propre population le même niveau de protection en proposant un amendement réglementaire similaire pour les importations?
Tel qu’évoqué précédemment, une grande partie des intrants de la Fonderie Horne proviennent des États-Unis, et à l’heure actuelle aucun outil réglementaire ne permet aux autorités canadiennes d’interdire l’importation des plus toxiques d’entre eux.
Le RNCREQ est sensible à l’aspect stratégique des intrants de la Fonderie puisque son activité permet de recycler le cuivre. Cependant, il est nécessaire que cette activité ait lieu sans compromettre la santé de l’environnement et de la population.
Recommandation 1 : Le RNCREQ recommande que la proposition d’interdiction d’exportation de DD et MRD vers les pays tiers soit également appliquée aux importations.
Un plafond s’appuyant sur une base scientifique
Selon la version actuelle du RTM, un permis d’importation est nécessaire pour tout résidu provenant de l’étranger qui contient une concentration d’arsenic égale ou supérieure à 2,5%.
Bien que le RNCREQ soit en faveur de l’application d’une valeur-seuil afin de définir le statut de DD/MRD, il s’interroge sur les bases scientifiques du choix de cette valeur. À titre de comparaison, la Chine impose à la concentration d’arsenic de ses importations un plafond de 0,5%.
Recommandation 2 : Le RNCREQ recommande d’appuyer sur une étude scientifique le choix de la valeur-seuil de concentration d’arsenic considérée comme dangereuse. Cette étude devrait comprendre une revue de littérature des plafonds et normes existant ailleurs dans le monde.
Cette étude permettra au gouvernement de réviser si nécessaire la valeur-seuil de concentration d’arsenic définissant les DD/MRD, ou de justifier son choix s’il décide de maintenir la valeur proposée, qui semble élevée au RNCREQ.
Une dangerosité diminuée à la source
24% des intrants de la fonderie Horne proviennent du Canada.
Comme le gouvernement canadien juge certains de ces déchets trop dangereux pour être exportés, il ne peut être insensible au danger de les faire voyager à travers le pays, ainsi qu’aux impacts environnementaux et sociétaux engendrés par leur traitement dans une Fonderie qui n’est pas en mesure de contenir leur toxicité, eu égard aux fortes concentrations d’arsenic présentes dans certains de ses intrants.
Dans son mémoire de 2021, le RNCREQ se prononçait en faveur d’une diminution à la source de la dangerosité de ces intrants, et saisit cette opportunité de réitérer cet avis.
Recommandation 3 : Le RNCREQ recommande d’évaluer les possibilités de réduire sur le lieu même de leur production la concentration en arsenic des concentrés complexes afin de diminuer les risques liés à leur transport, aux manipulations de transbordement, et à leur valorisation en fonderie.
Conclusion
Le RNCREQ salue la fermeté manifestée par le Canada dans ses propositions concernant l’exportation de DD et MRD.
Cependant, le RNCREQ remarque un décalage entre la prudence dont le gouvernement fait preuve en ce qui concerne ses exportations et l’absence de limites imposées à la toxicité des importations de DD/MRD provenant de pays non signataires de la Convention comme les États-Unis.
Dans ce commentaire, le RNCREQ encourage le gouvernement à protéger son environnement et favoriser les transformations nécessaires au sein de notre industrie minière et de recyclage afin que la transition énergétique se fasse dans le respect des principes de la justice environnementale, c’est-à-dire sans qu’une communauté paye de sa santé le prix de cette transition.
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