Le 13 septembre 2024 – Le RNCREQ a déposé un mémoire à Environnement et Changement Climatique Canada concernant la consultation sur le Décret d’urgence visant à protéger l’habitat du caribou boréal au Québec. Le Regroupement propose 28 recommandations qui visent à de maximiser les retombées positives du décret. Il souligne que sans la collaboration du gouvernement provincial, la protection du caribou ne sera pas possible ; considère qu’il faudra minimalement préserver les zones d’intérêt et idéalement en faire des aires protégées ; préconise un moratoire sur les coupes forestières, les claims et les nouveaux projets industriels (miniers et énergétiques) ; et encourage une concertation des parties prenantes pour mettre en branle une transition durable de l’industrie forestière.
Contexte
Le 19 juin 2024, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il avait demandé au ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’initier le processus de développement d’un décret d’urgence pour protéger l’habitat du caribou boréal dans les zones proches des aires de répartition les plus menacées au Québec (Val-d’Or, Charlevoix et Pipmuacan). L’objectif annoncé de cette démarche est de maintenir ou ramener à l’autosuffisance toutes les populations locales au Canada, avec un croissance stable et positive sur un horizon de 20 ans.
Le RNCREQ salue cette courageuse intervention qui, souhaitons-le, mènera au dévoilement de la stratégie québécoise sur le caribou d’ici la fin de l’année 2024. En effet, le Québec attend une stratégie caribou depuis 2016, et force est de constater que le gouvernement du Québec n’agit pas en conséquence. La problématique et ses solutions ont pourtant été largement exposées lors de nombreuses consultations publiques, et il est désormais plus qu’urgent de prendre des mesures pour la protection et la restauration de l’habitat du caribou forestier afin de permettre son rétablissement.
Malgré la bonne volonté derrière ce décret, le RNCREQ remarque quelques lacunes et exclusions qui limitent sa portée. Ainsi, CRE de l’Abitibi-Témiscamingue (CREAT) salue l’initiative, mais déplore que les exclusions rendent l’exercice moins pertinent, alors que la zone d’intérêt pour la harde de Val-d’Or est majoritairement visée par des titres miniers, notamment pour le lithium. De plus, le secteur comporte également plusieurs zones à caractère minier, que ce soit des mines en opération ou un passif minier. Ces zones ne pourront jamais être d’intérêt pour l’espèce.
Bien que la population du Pipmuacan ne soit pas la plus mal en point, elle reste tout de même dans un état précaire et le CREDD est d’avis que des mesures efficaces doivent être rapidement mises en place afin de réduire les perturbations dans l’habitat. Pour ce faire, les interdictions prévues au décret sont pertinentes, mais des mesures d’encadrement pour toutes autres activités anthropiques causant des perturbations devraient également être prévues. De plus, le CREDD croit que davantage de zones de connectivité doivent être envisagées, notamment entre le secteur de la rivière Péribonka et le secteur Pipmuacan, ainsi que dans le secteur au sud de l’aire de répartition.
Devant l’inaction et le manque de sérieux du gouvernement du Québec face à la protection du Caribou, le CRE Capitale-nationale croit que le gouvernement du Canada a le devoir d’imposer ce décret de façon urgente et ambitieuse. Selon les estimations du gouvernement du Québec lors des ses dernières consultations, dans Charlevoix la protection du caribou forestier aurait peu d’effet sur les activités forestières, de plus l’acceptabilité sociale pour la protection y est bonne. Toutefois, le CRE est inquiet que les activités d’Hydro-Québec soient exclues du décret. Avec le développement de nombreux projets d’éoliennes, les bénéfices du décret pourraient être annulés par les projets éoliens présents ou futurs ou par l’ajout de lignes de transport électrique.
Le RNCREQ traitera dans ce mémoire les enjeux de zones, les interdictions et la mitigation des impacts, ainsi que le programme de rétablissement, et viendra proposer des recommandations pour maximiser la portée de ce décret et lui permettre ainsi d’atteindre ses objectifs.
Plan du mémoire sur la protection de l’habitat du caribou boréal au Québec
- Principes directeurs
Caribou montagnard de la Gaspésie - Programme de rétablissement fédéral
Taux de perturbation critique
Désignation d’aires protégées
Connectivité
Restauration des chemins forestiers
Baux de villégiature - Menaces imminentes pour le caribou, population boréale
Titres miniers
Activités minières
Projets énergétiques - Probabilité de l’autosuffisance
Exclusions de la zone de protection
L’industrie forestière
Activités minières
Récapitulatif des 28 recommandations
Recommandation 1
Que le statut fédéral de la population boréale du caribou forestier soit requalifié en “espèce en voie de disparition”.
Recommandation 2
Que le gouvernement provincial relance le Plan de rétablissement du caribou montagnard de la Gaspésie, simultanément aux efforts déployés pour le caribou forestier.
Recommandation 3
Que le gouvernement provincial mette en application le projet d’introduction de nouveaux individus et adopte un nouveau plan de rétablissement, considérant que le plan actuel est échu depuis 2023.
Recommandation 4
Que le gouvernement provincial élabore rapidement une stratégie de réintroduction graduelle des individus de leur enclos vers leur habitat pour réapprendre à vivre en milieu naturel de manière pérenne, tout en intensifiant la fermeture de chemins forestiers et le contrôle de prédateurs.
Recommandation 5
Que les gouvernements provincial et fédéral mettent en place une entente de collaboration portant sur la réintroduction des hardes en enclos.
Recommandation 6
Que les zones provisoires ciblées soient considérées par le MELCCFP comme des projets d’aires protégées dans le cadre de son appel à projets d’aires protégées de 2024.
Recommandation 7
Que le gouvernement fédéral assure dans son décret une connectivité suffisante entre les zones provisoires à l’intérieur des zones d’intérêts de l’habitat essentiel du caribou.
Recommandation 8
Que le gouvernement provincial mette en place un moratoire sur les coupes forestières et sur l’implantation de chemins forestiers dans les zones d’intérêt de l’habitat des hordes de Val-d’Or, Charlevoix et Pipmuacan afin de protéger les aires de reproduction, d’hivernage et de connexion.
Recommandation 9
Que le gouvernement provincial optimise l’usage des chemins afin de réduire leur quantité, car les chemins engendrent la perte et la fragmentation de l’habitat d’espèces telles que le caribou.
Recommandation 10
Que le gouvernement provincial prévoie la fermeture des chemins dès leur planification et donc d’obtenir un plan de fermeture avant d’émettre l’autorisation de construction.
Recommandation 11
Que le gouvernement provincial rassemble des connaissances sur les chemins forestiers et effectue un suivi de leur état en utilisant la recherche et les outils déjà existants tels que les photographies aériennes et les données LIDAR.
Recommandation 12
Que le gouvernement provincial définisse un nombre maximal de baux de villégiature dans les zones d’intérêts des habitats du caribou forestier et n’en octroie plus de nouveaux.
Recommandation 13
Que le prochain plan d’action fédéral tienne compte de la menace que représentent les permis d’exploration minière sur l’habitat du caribou et qu’y soient inscrites des actions en ce sens qui visent le gouvernement provincial.
Recommandation 14
Que le gouvernement provincial :
- Abroge l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, qui entérine la préséance de la Loi sur les mines.
- Élargisse la portée du mécanisme des TIAM et ses critères d’application afin de ne pas entraver l’atteinte des objectifs de conservation de la biodiversité du territoire (soit 30% d’ici 2030) avec une représentativité dans toutes les provinces naturelles du Québec, incluant au sud du Saint-Laurent.
- Accélère et simplifie le processus d’approbation des TIAM identifiés par les MRC.
Recommandation 15
Évaluer les impacts des projets miniers sur la harde de caribou de Val-d’Or et faire appliquer par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada le principe de précaution à tous les projets industriels dans les zones d’intérêt.
Recommandation 16
Un moratoire pour tous projets industriels assujettis à la législation fédérale, donc particulièrement les projets miniers, dans les zones d’intérêt de l’habitat des hordes de Val-d’Or, Charlevoix et Pipmuacan afin de protéger les aires de reproduction, d’hivernage et de connexion.
Recommandation 17
Que le gouvernement provincial évalue les impacts des projets énergétiques sur l’habitat du caribou et applique le principe de précaution.
Recommandation 18
Que gouvernement fédéral précise, avec des cibles et des échéances, quelles actions sont prévues pour ramener à l’autosuffisance toutes les hardes visées par ce décret.
Recommandation 19
Que le gouvernement provincial aide l’industrie forestière à diversifier son activité en participant à la décarbonation de l’économie québécoise comme suit (mémoire sur l’avenir de la forêt, 2024) :
- Adapter les normes et conditions qui encadrent l’usage du bois en construction pour encourager le remplacement de l’acier et du béton par du bois et ainsi réduire les émissions de GES du secteur de la construction et favoriser la séquestration du carbone.
- Prendre en considération la capacité de stockage carbone des forêts et exclure des possibilités les forêts qui offrent la meilleure performance de stockage à long terme.
- Utiliser les technologies en développement qui permettent de simuler dans la planification à moyen et long terme les effets des interventions sur les flux de carbone forestier, dans une optique d’optimisation de la contribution des forêts à la lutte contre les changements climatiques.
Recommandation 20
Que le gouvernement provincial envisage la transition durable de l’industrie forestière en concertation avec les syndicats, les élu-es, les industries forestières, les communautés autochtones et les groupes environnementaux.
Recommandation 21
Que le gouvernement provincial concilie les usages de la forêt en concertation avec le public, en tenant compte des réalités et aspirations régionales.
Recommandation 22
Que le gouvernement provincial évalue les impacts sociaux-économiques positifs des travaux de gestion des hardes de caribou et de restauration des zones d’intérêts de l’espèce.
Recommandation 23
Que les projets miniers n’ayant pas eu la confirmation de leur recevabilité ne soient pas considérés comme des projets suffisamment avancés pour obtenir le droit d’exclusion de la zone de protection.
Recommandation 24
Que le gouvernement provincial interdise d’emblée les travaux d’exploration sur les zones de protection, puisqu’ils ne pourront de toute façon pas déboucher sur une mine en vertu des enjeux de protection de l’habitat du caribou.
Recommandation 25
Que le gouvernement provincial n’autorise l’exclusion de la zone de protection que pour les projets miniers avancés.
Recommandation 26
Que le gouvernement provincial applique les mêmes règles aux minéraux critiques et stratégiques qu’aux autres minerais, soit l’autorisation d’exploitation pour les projets avancés seulement.
Recommandation 27
Que le gouvernement provincial intègre les besoins en habitat du caribou dans les plans de restauration miniers.
Recommandation 28
Que le gouvernement québécois de prévoir des mesures de mitigation des impacts des exclusions dans l’aire de répartition avec l’approche éviter – minimiser – compenser.
Conclusion
Dans les dernières décennies, les populations de caribou du Québec étudiées dans le contexte de la présente consultation ont toutes décliné de façon importante. Cette situation est d’abord attribuable à la dégradation des habitats de ce grand mammifère par les coupes forestières et l’implantation de chemins qui les accompagnent.
De même que cet état de fait est largement connu, les solutions le sont également. Les recommandations émises par le RNCREQ dans le présent mémoire vont dans le sens des solutions déjà connues et prennent en considération les obstacles de nature économique qui entravent leur application.
Les Québécois-es méritent que leur gouvernement protège leur biodiversité et préserve l’équilibre de leurs écosystèmes pour les générations futures.
Dans un contexte de crise de la biodiversité et de changements climatiques, le Canada, conjointement avec la province de Québec, a le pouvoir d’adopter une vision plus globale de son économie et de devenir un exemple à suivre au niveau international. C’est la voie qui permettra la sauvegarde du caribou forestier et montagnard et par le fait même, d’un grand nombre d’espèces animales.
Le RNCREQ souligne que, sans la collaboration du gouvernement provincial, ce décret fédéral ne pourra remplir son mandat, et exhorte le gouvernement québécois à collaborer avec le gouvernement fédéral et les parties prenantes afin d’assurer la survie du caribou et la pérennité de l’industrie forestière québécoise.
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