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Mémoire : Consultation sur l’avenir de la forêt au Québec

Le 11 avril  2024 – Le RNCREQ a déposé un mémoire au ministère des Ressources naturelles et des Forêts pour lui présenter sa vision quant à l’avenir de la forêt québécoise. Au travers de 31 recommandations, pour permettre aux forêts de faire face aux changements climatiques, le RNCREQ préconise de suivre strictement les principes de l’aménagement écosystémique, de renforcer la gouvernance régionale des ressources naturelles, d’appliquer le principe de précaution à la possibilité forestière, de rééquilibrer les usages de la forêt et de favoriser une transition juste du secteur forestier.

Contexte

En novembre 2023, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Mme Maïté Blanchette Vézina, annonce la réalisation, à l’hiver 2024, d’une démarche intitulée Tables de réflexion sur l’avenir de la forêtCes consultations se sont déroulées dans toutes les régions forestières du Québec avec l’objectif d’élaborer «une vision d’avenir partagée entre les divers intervenants et intervenantes et d’identifier des solutions d’adaptation, notamment aux changements climatiques, pour assurer la pérennité du secteur forestier.»

Selon les résultats de ces consultations, le gouvernement pourrait envisager une modification du régime forestier, qui dépend de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (LADF). Cette Loi est en vigueur depuis le 1er avril 2013, et a déjà fait l’objet de 26 mesures administratives suite au dépôt à l’automne 2020 du bilan de l’aménagement durable des forêts portant sur la période 2013-2018, pour, selon le communiqué de presse du ministère, “améliorer l’environnement d’affaires et favoriser la compétitivité des entreprises.”
Suite aux Tables de réflexion, “de nouvelles mesures pourraient être envisagées.”

Le 5 septembre 2023, le Forestier en chef encourageait le gouvernement à entreprendre une réflexion sur l’aménagement forestier dans le cadre de la lutte et de l’adaptation aux changements climatiques. Le Gouvernement reprend ces considérations en indiquant dans son communiqué de presse que “La gestion de la forêt doit dorénavant être pensée comme un tout intégré afin de diminuer les risques et de préserver la biodiversité, les espèces menacées et les avantages socioéconomiques.»

Le RNCREQ félicite le Ministère des Ressources naturelles et des Forêts (le MRNF) pour la tenue de cette consultation qui permet une réflexion de fond que nous souhaitons voir depuis longtemps.

Cependant force est de constater que la stratégie Caribou est la grande absente de ces consultations, reportée maintes fois par le gouvernement et toujours en attente au moment du dépôt de ce mémoire. La conservation du caribou, symbolique de la protection de toute la biodiversité, est un enjeu d’importance dans la gestion des forêts et nous aurions souhaité que sa publication précède les consultations afin de pouvoir l’intégrer aux discussions.

De plus, les CRE ont fait l’observation générale durant les consultations régionales que la diversité des acteurs régionaux n’était pas suffisamment représentée, et qu’un plus grand nombre d’invité-es aurait permis d’enrichir la discussion.

Le RNCREQ va présenter dans ce mémoire des recommandations visant à pallier ces manquements, et visant le renforcement de la durabilité de nos forêts.

Plan du mémoire sur l’avenir de la forêt au Québec

1/ Recommandations générales 
1.1 Aménagement écosystémique 
1.2 Rééquilibrage des différents bénéfices que la société tire de la forêt 
1.3 Application du principe de précaution dans le calcul de possibilité forestière 
1.4 Reconnaissance de la capacité de captation carbone des forêts 
1.5 Gestion régionalisée des forêts 

2/ Questionnaire de consultation 
THÈME 1. AMÉNAGEMENT DURABLE ET PRODUCTIVITÉ DES FORÊTS 
THÈME 2. APPROVISIONNEMENT EN BOIS 
THÈME 3. CONCILIATION DES USAGES 
THÈME 4. DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET RETOMBÉES RÉGIONALES

Récapitulatif des 31 recommandations

Recommandation 1 : S’appuyer sur l’expertise des directions régionales du MRNF pour définir les orientations à venir.

Recommandation 2 : Appliquer l’approche d’aménagement écosystémique de manière rigoureuse partout au Québec en tenant compte des réalités locales et en conservant de vieilles forêts témoins, peu ou pas exploitées, comme référence pour les traitements à appliquer en forêt aménagée.

Recommandation 3 : appuyer la réflexion sur la modification de certains paramètres de l’aménagement écosystémique sur le mémoire “L’aménagement écosystémique des forêts dans le contexte des changements climatiques” déposé au gouvernement du Québec en 2017 par un comité d’expert-es.

Recommandation 4 : Poursuivre la recherche sur la migration assistée, particulièrement en ce qui concerne l’introduction d’espèces non naturellement présentes sur le territoire, et attendre d’avoir obtenu des résultats probants avant la mise en place de cette pratique à grande échelle.

Recommandation 5 : Que le gouvernement du Québec remette en question la prépondérance des intérêts de l’industrie forestière dans le financement de l’aménagement du territoire afin de prendre en compte les autres bénéfices attendus de la forêt par la société.

Recommandation 6 : Que le gouvernement optimise ses investissements dans l’industrie forestière en tenant compte de la nouvelle réalité climatique et socio-économique des usages de la forêt.

Recommandation 7 : Amorcer la création d’un plan de transition juste du secteur forestier et de diversification économique des communautés forestières, dans un processus de cocréation avec les parties prenantes.

Recommandation 8 : Associer à la possibilité forestière une plage de valeurs et/ou une marge pour faire face aux besoins de conservation et à ceux des espèces en péril, ainsi qu’aux aléas tels que les risques climatiques ou les épidémies.

Recommandation 9 : Retrancher les projets d’aires protégées des calculs de possibilité forestière.

Recommandation 10 : Adapter les normes et conditions qui encadrent l’usage du bois en construction afin d’encourager le remplacement de l’acier et du béton par du bois, de réduire les émissions de GES du secteur de la construction et de favoriser la séquestration du carbone.

Recommandation 11 : Prendre en considération la capacité de stockage carbone des forêts et exclure des possibilités les forêts qui offrent la meilleure performance de stockage à long terme.

Recommandation 12 : Utiliser les technologies en développement qui permettent de simuler dans la planification à moyen et long terme les effets des interventions sur les flux de carbone forestier, dans une optique d’optimisation de la contribution des forêts à la lutte contre les changements climatiques.

Recommandation 13 : Prendre en considération les aires protégées comme puits de carbone forestier en tant que forêts complexes qui captent le carbone dans leur sol.

Recommandation 14 : Donner aux directions régionales des ministères concernés la latitude de planifier de manière intégrée le territoire public aux niveaux forestier, minier et énergétique.

Recommandation 15 : Que le ministère se dote d’un fonds pour financer la participation des OBNL et divers groupes d’intérêt aux tables GIRT.

Recommandation 16 : Rétablir une instance régionale permettant aux différents acteurs de la société civile de participer à la gestion des ressources naturelles et du territoire à un niveau stratégique, telle que les Commissions régionales sur les ressources naturelles et le territoire (CRRNT).

Recommandation 17 : Rendre conforme aux exigences de la certification FSC l’intensification de la production forestière.

Recommandation 18 : Optimiser l’usage des chemins afin de réduire leur quantité.

Recommandation 19 : Prévoir la fermeture des chemins dès leur planification.

Recommandation 20 : Accroître l’accompagnement aux propriétaires de forêt privée dans leurs pratiques d’aménagement et de conservation en leur offrant notamment des outils adaptés.

Recommandation 21 : Rétablir une application plus rigoureuse du principe de résidualité de l’approvisionnement en bois provenant de la forêt publique, surtout dans les régions où la forêt privée domine.

Recommandation 22 : Étudier la possibilité de réduire le nombre de régimes spéciaux d’affectations et de droits dans la gestion forestière québécoise.

Recommandation 23 : Recommandations concernant les TIAM :
Abroger l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, qui entérine la préséance de la Loi sur les mines.
Élargir la portée du mécanisme des TIAM et ses critères d’application afin de ne pas entraver l’atteinte des objectifs de conservation de la biodiversité du territoire (soit 30% d’ici 2030) avec une représentativité dans toutes les provinces naturelles du Québec, incluant au sud du Saint-Laurent.
Les TIAM ne devraient pas pouvoir être refusés pour raison de claim préexistants.
Les TIAM devraient inclure une consultation publique dans leur processus d’identification.
Mettre en place un système pour que les MRC soient informées dès qu’un claim est pris sur leur territoire.
Accélérer et simplifier le processus d’approbation des TIAM identifiés par les MRC.

Recommandation 24 : Rendre aux TLGIRT, qui se concentrent actuellement sur les ressources forestières, le rôle de gestion de tout le territoire que leur attribue l’esprit de la Loi.

Recommandation 25 : Encourager le développement de la filière de la biomasse forestière comme une opportunité d’avenir pour le secteur forestier et une solution pour la décarbonation de l’économie.

Recommandation 26 : Mettre en place une tarification biénergie qui accorde un tarif préférentiel pour l’électricité si en contrepartie il y a utilisation de la biomasse lors des heures de pointe.

Recommandation 27 : Développer la filière de la biomasse forestière résiduelle, avec un encadrement permettant de s’assurer qu’elle est une solution énergétique durable.

Recommandation 28 : Bonifier et pérenniser les programmes de subvention et d’aide au développement du chauffage à la biomasse.

Recommandation 29 : Créer des vitrines locales d’expertise pour les écosystèmes énergétiques régionaux afin de faire la promotion du savoir-faire existant.

Recommandation 30 : Former et sensibiliser aux avantages du chauffage à la biomasse forestière résiduelle les architectes, constructeurs, urbanistes, et autres professions de la construction.

Recommandation 31 : Mener les projets de forêt de proximité en concertation avec le public, en tenant compte des réalités et aspirations régionales.

Conclusion

Suite aux feux de forêt d’une ampleur historique qui ont affecté notre territoire l’année passée, l’urgence de renforcer la durabilité de nos forêts se fait sentir plus que jamais.

Le RNCREQ encourage fortement le gouvernement à saisir l’occasion de protéger l’avenir de nos forêts qu’offrent ces Tables de réflexion. En préservant les principes de l’aménagement écosystémique, en rééquilibrant les usages de la forêt et en permettant une gestion régionale adaptée aux réalités du territoire, le gouvernement pourra relever ce défi.
le RNCREQ souhaite que la société puisse accéder aux ressources forestières pour tous les usages et bénéfices qu’elle en tire, dont la conservation pour le maintien d’une certaine qualité de vie ; nous réitérons l’importance d’ouvrir un dialogue avec l’industrie forestière pour lui permettre d’évoluer vers des pratiques plus durables et de prospérer tout en laissant l’espace aux autres usages de la forêt, comme la conservation ou le récréotourisme.

Le RNCREQ se tient à la disposition du MRNF pour continuer le dialogue dans ce sens.

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