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Les sols contaminés au Québec : petite histoire d’un passif environnemental méconnu

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Par Sylvain Loranger, président du CRE de Laval et toxicologue de l’environnement

LA PETITE HISTOIRE

Au début des années 1980, le gouvernement du Québec, via son ministère de l’Environnement de l’époque, entamait une évaluation de la problématique des sols contaminés en ciblant dans un premier temps les lieux d’élimination des déchets dangereux. Le Groupe d’études et de restauration des lieux d’élimination des déchets (GERLED) dressait alors dès 1984 un inventaire exhaustif de ces sites contaminés. Quelques années plus tard, en 1988, le Ministère publiait sa première Politique de réhabilitation des terrains contaminés qui exprimait pour la première fois les intentions du gouvernement quant au devenir des terrains contaminés.

Dix ans plus tard, une nouvelle mou­ture intitulée Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés (Politique) voyait le jour.

Cette Politique fournissait un plan précis de mise en œuvre incluant une série de mesures visant notamment à préparer un encadrement légal et réglementaire pour la gestion des terrains contaminés et à fournir des outils techniques (par ex. guides, procédures) et économiques (par ex. grille de ta­rification) afin de faciliter la revitalisation des terrains contaminés. Point d’orgue en mars 2003 lors de la publication de la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) et d’autres dispositions législatives relativement à la protec­ tion et à réhabilitation des terrains contaminés.

La section IV de la LQE nouvellement rédigée s’appuyait également sur trois règlements portant sur le sujet (Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains – RPRT), ainsi que sur la gestion des sols excavés (Règlement sur l’enfouissement des sols con­taminés – RESC ; Règlement sur le stockage et les centres de transfert de sols contaminés – RSCTSC). Au printemps 2017, le Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les change­ ments climatiques (MELCC) publiait une nouvelle version de sa Politique incluant un plan d’action 2017­-2021 ciblant deux enjeux principaux : la protection de l’environnement et la revitalisation durable du territoire. Cette nouvelle Politique était assortie d’une proposition de budget de 175 M$ pour fa­ voriser la densification urbaine, l’essor des technologies vertes, le développement durable des municipalités et la lutte contre les changements climatiques. Selon ce document, le gouverne­ ment prévoit également de s’attaquer à un problème jugé de grande envergure, soit la réduction du passif environnemental de l’état québécois.

LE PASSIF ENVIRONNEMENTAL

Selon le rapport du Vérificateur général (juin 2018), le passif environnemental, aussi nommé passif au titre des sites conta­ minés, correspond à la valeur inscrite dans les états financiers du gouvernement. Il représente le coût futur estimatif de la gestion et de la réhabilitation des terrains contaminés sous la responsabilité de l’État définis selon certains critères pré­cis. Cette évaluation est généralement faite en considérant les coûts de réhabilitation (par ex. excavation­élimination) basés sur les volumes de sols non conformes dépassant les critères ou les normes d’usage résidentiel, commercial ou industriel. Selon l’estimé en date du 31 mars 2017, il y aurait au total 1901 sites contaminés inscrit au passif environnemental de la pro­ vince dont la valeur est estimée à environ 3,1G$. Plus du tiers de cette somme est reliée aux sites miniers dits orphelins.

Dans son rapport, le vérificateur général recommande, entre autres : 1­ de mieux documenter les processus décisionnels concernant l’évaluation des risques pour la santé humaine et l’environnement ainsi que le niveau de risque attribué à cha­ cun des terrains contaminés ; 2­ de s’assurer d’accorder une priorité d’intervention aux terrains qui présentent des risques élevés pour la santé humaine et l’environnement. Dans ce con­ texte, l’utilisation de l’approche par évaluation des risques, balisée par l’Institut national de la santé publique (INSPQ) et par le Ministère de l’environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), s’avère un moyen incontournable pour optimiser la gestion des sites contaminés dans un contexte de développement durable et de réduction des coûts de réhabilitation. À ce jour, moins de 3% des cas traités par le MELCC (env. 5000) ont fait l’objet de mesures de réhabi­ litation par évaluation de risques.

Je tiens à mentionner enfin que le nombre de terrains contam­ inés tout comme le passif environnemental des propriétés privés (résidentiel, commercial, industriel, agricole) et celui des ter­ rains municipaux, provinciaux ou fédéraux, sont nettement sous­estimés, et ce, par au moins un ordre de grandeur. Les chiffres disponibles ne fournissent qu’un aperçu seulement de l’importance du problème.

Bref, il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg. Tel que le fait remarquer le vérificateur général, il importe d’acquérir davan­ tage de connaissances sur l’ensemble des terrains contaminés si on veut être en mesure de bien évaluer la valeur réelle du passif environnemental québécois.

C’est le prochain défi des CRE dans chaque région.