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Consultations sur les pesticides et la lutte antiparasitaire : Doutes sur les intentions de Santé Canada concernant le Glyphosate

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Montréal, le 20 juillet 2021 – Le Regroupement national des conseil régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) a participé aux consultations concernant les pesticides et la lutte antiparasitaire en émettant des doutes sur les intentions de Santé Canada et en partageant 13 recommandations pour une transition vers un modèle agricole plus durable. Le Glyphosate dans la ligne de mire.

Des doutes déjà partagés dans une lettre ouverte

Tel que le Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives (CREPPA) l’a expliqué dans sa lettre ouverte publiée dans Le Devoir le 10 juin 2021 et cosignée par le RNCREQ, une réforme urgente de la réglementation s’impose à Santé Canada.
Santé Canada prétend que son principal objectif est de « prévenir et réduire les risques pour la santé individuelle et pour l’ensemble de l’environnement ». Or, quand l’Agence de réglementation et de lutte antiparasitaire (ARLA), relevant de Santé Canada, propose — pour des raisons commerciales — de doubler voire de quadrupler les seuils de résidus de « glyphosate » dans certains produits alimentaires de base, force est de constater que Santé Canada ne répond ni à son mandat, ni ce à quoi la population est en droit de s’attendre de la part d’un gouvernement fédéral responsable. L’ARLA se préoccupe-t-elle d’abord de la santé économique des firmes ou de celle des populations?

Des propositions en décalage avec les recherches récentes sur le glyphosate

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé, considère depuis 2015 que les herbicides à base de glyphosate (HBG) et le glyphosate sont «génotoxiques et cancérogènes probables ». Cela n’a pas semblé pertinent pour l’ARLA, qui a renouvelé en 2017 leurs autorisations pour 15 ans. Au lieu de procéder à un examen systématique de la littérature scientifique indépendante, elle a basé sa décision sur des documents non publiés produits par des fabricants, alors que les HBG représentent près de 60 % de tous les pesticides au Canada. Pour compléter sa démarche, Santé Canada lance maintenant des consultations afin d’augmenter les limites autorisées de « glyphosate » sur différents types de grains et de légumineuses : avoine (de 15 à 35 ppm), blé (de 5 à 15 ppm), orge (de 10 à 15 ppm), haricots (de 4 à 15 ppm), pois (de 5 à 10 ppm), et lentilles (de 4 à 10 ppm), dont le Canada est l’un des premiers producteurs au monde.
Enfin, la toxicité de ces herbicides est sous-évaluée, car seul le glyphosate est déclaré comme ingrédient « actif » par le fabricant alors que les formulations commerciales vendues et utilisées contiennent généralement des co-formulants chimiques, POEA, métaux lourds, etc., jusqu’à 1000 fois plus toxiques que le glyphosate.

Il est de la responsabilité du gouvernement de protéger la santé des citoyens et citoyennes et de prendre des actions cohérentes pour atteindre les objectifs environnementaux visés.

Nos recommandations pour un nouveau modèle agricole viable et durable

Étant donné l’impact des pesticides sur la santé publique et l’environnement, le RNCREQ pense qu’il est primordial d’effectuer une transition du modèle agricole conventionnel vers des modèles viables et durables qui réduisent ou éliminent l’utilisation d’intrants chimiques tels que des pesticides. Il est essentiel de revoir ce modèle dans une vision globale et de favoriser des outils fiscaux et réglementaires appropriés pour favoriser la transition. Dans son mémoire sur les pesticides publié en juillet 2019, le RNCREQ a émis 17 recommandations, dont les 13 suivantes sont pertinentes dans le cadre de la consultation sur les glyphosates.

13 recommandations pour un modèle qui réduit l’usage des pesticides

  1. Inciter le gouvernement fédéral à réformer le processus d’homologation pour qu’il protège adéquatement la santé de la population, ainsi que la biodiversité.
  2. Établir un registre public des ventes de pesticides, afin d’élaborer un plan d’intervention lorsqu’une prévalence d’un trouble de santé pourrait être associée à la présence d’un pesticide donné.
  3. Investir dans les études des produits alternatifs pour le contrôle des nuisances de moindre impact sur la santé, tout en encourageant un changement dans les méthodes de culture.
  4. Appliquer le principe de précaution en élaborant un plan d’intervention législatif lorsque certains pesticides présentent un risque sur la santé et l’environnement.
  5. Amorcer prioritairement une transition vers des modèles agricoles viables des points de vue environnementaux, sociaux et économiques, car cette mesure entraînera d’emblée une réduction de la dépendance aux pesticides.
  6. Favoriser l’innovation et la recherche de solutions qui permettraient de réduire les coûts de production sous régie biologique.
  7. Appliquer le principe du pollueur-payeur, par exemple via une taxe sur les pesticides, combiné à l’accès à des subventions pour les biopesticides.
  8. Appliquer les recommandations du rapport de l’IRDA : « Les pesticides au Québec : Réduction des impacts sur l’environnement et la santé de la population ».
  9. Effectuer des recherches indépendantes de l’industrie des pesticides sur l’exposition et les risques pour la santé humaine et la santé des écosystèmes.
  10. Rendre accessibles et publics les résultats des recherches sur les impacts des pesticides.
  11. Interdire aux agronomes d’être à la fois conseillers auprès des agriculteurs et employés par l’industrie des pesticides.
  12. Offrir un soutien plus important et pour une période de trois à cinq ans pour les organisations qui veulent développer de nouveaux créneaux sous régie biologique.
  13. Investir dans la recherche de solutions innovantes tant au niveau expérientiel avec les producteurs qu’au niveau de la recherche théorique.

Il est temps d’entreprendre des actions cohérentes et ambitieuses pour faire face aux enjeux de santé publique, de santé des sols et de gestion de la biodiversité qui découlent du système de production agricole actuel.

 

Autrices

Vicky Violette, directrice générale du Conseil régional de l’environnement de Lanaudière et responsable du comité Agriculture du RNCREQ

Bérénice La Selve, recherchiste-analyste au RNCREQ.

 

Sources

  1. https://rncreq.org/images/nouvelles/460.pdf
  2. https://www.ledevoir.com/opinion/idees/609405/idees-une-reforme-urgente-de-la-reglementation-s-impose-a-sante-canada
  3. https://rncreq.org/2020/02/25/rapport-sur-limpact-des-pesticides

 

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