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Commentaire : Projet de loi 22 sur l’expropriation

21 septembre 2023 – Le RNCREQ a déposé un commentaire à la Commission des transports et de l’environnement pour lui présenter ses recommandations quant Projet de loi 22 sur l’expropriation. Les municipalités qui exercent leurs pouvoirs de zonage à des fins de conservation font souvent l’objet de poursuites pour expropriation déguisée : Le RNCREQ émet des recommandations visant à clarifier le cadre réglementaire afin de les protéger de ces poursuites et de leur permettre d’exercer leur mandat de protection de la biodiversité.

 

Introduction

La nécessité et l’urgence de protéger la biodiversité au Québec est inscrite dans le Cadre Mondial de la biodiversité, aussi nommé Accord Kunming-Montréal (2022). Suite à cet accord, le Québec s’est fixé l’objectif de protéger 30% de son territoire d’ici 2030.

Cependant, l’atteinte de cette cible est compromise par toutes sortes d’obstacles. Parmi eux, le risque de poursuites pour expropriation déguisée auquel sont exposées les municipalités et MRC freine grandement la conservation en terre publique, et plus particulièrement l’adoption des Plans régionaux des Milieux humides et hydriques (PRMHH), alors que ces Plans accusent déjà un retard important et que la protection de ces milieux est particulièrement urgente dans un contexte de changements climatiques où les niveaux des eaux souterraines et de surface atteignent des minimums historiques, causant des difficultés d’accès à l’eau potable et des conflits d’usage (RNCREQ, 2023, Mémoire sur la Loi instituant le Fonds bleu). 

Le besoin criant de protection de la biodiversité se fait sentir non seulement pour les MHH mais pour tous les autres types de milieux naturels, qu’il s’agisse des écosystèmes forestiers, des milieux ouverts ou de la canopée urbaine.

Cependant, lorsque les municipalités et MRC exercent leurs pouvoirs en matière de zonage afin de maintenir un milieu naturel dans son état naturel, elles s’exposent à des poursuites pour expropriation déguisée (aussi appelée expropriation de fait). En effet, plusieurs jugements récents ont montré qu’un tribunal peut déterminer que les limites imposées au développement d’un terrain par un zonage de conservation constituent pour les propriétaires une “expropriation de fait”, donnant lieu à une indemnisation, et ce alors que la municipalité ne saisit pas le bien mais en limite simplement l’usage. 

Il s’agit d’un enjeu de taille puisque selon le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) les poursuites actuellement en cours pour des faits d’expropriation déguisée à des fins de conservation totalisent plus de 1 milliard de dollars. De plus, même si le tribunal tranche en faveur de la municipalité, elle doit tout de même s’acquitter de ses frais d’avocat. 

Paralysées par des poursuites pour des montants parfois très élevés, les municipalités ne peuvent mener à bien leurs projets de conservation. 

Le CQDE identifie dans son mémoire “l’absence de balises légales claires” comme la cause de cette situation (CQDE, 2023, Mémoire sur le Projet de loi 22 concernant l’expropriation).

Le RNCREQ souscrit à cette analyse. En effet, bien que le cadre légal soit supposé faciliter les comportements favorables à la protection des milieux naturels et à l’adaptation aux changements climatiques, le Projet de loi sous sa forme actuelle n’aborde pas les enjeux de conservation et ne permet donc pas aux municipalités, particulièrement aux plus petites d’entre elles, de sortir de la paralysie à laquelle les réduit le risque de poursuites lorsqu’elles exercent leur prérogative en matière de conservation.

Le RNCREQ émet dans ce Commentaire plusieurs recommandations visant à protéger la biodiversité en intégrant la notion d’expropriation à des fins conservation dans la loi sur l’expropriation, en mettant fin au financement de la spéculation immobilière par les fonds publics grâce à l’encadrement des compensations, et enfin à mettre en oeuvre le plus rapidement possible la Loi intégrant les recommandations ci-dessous afin de résoudre rapidement les poursuites actuellement en cours.

Plan du commentaire sur le Projet de loi 22 sur l’expropriation

Introduction

  1. Pouvoir en matière zonage et pouvoir réglementaire des municipalités
  2. Des compensations encadrées
  3. Application immédiate de la Loi

Conclusion

 

Conclusion

Le CQDE mentionne dans son mémoire la nécessité de trouver “un équilibre entre responsabilité individuelle et collective” (CQDE, 2023, p.5). Le RNCREQ est en accord avec cette position et ajoute que dans le contexte actuel de crise de la biodiversité, il est important de mettre dans la balance le droit des propriétaires à faire du profit en développant un terrain versus les impératifs de protection de la biodiversité, et de faire en sorte que la balance ne penche plus du côté des propriétaires.

Le RNCREQ estime donc qu’il est nécessaire et urgent que la Loi ferme la porte aux spéculations des propriétaires qui souhaitent développer leur terrain à l’encontre des mesures de conservation.

Le RNCREQ espère que ses recommandations seront entendues par la Commission et que la Loi sera modifiée de manière à permettre la conservation de la biodiversité québécoise, nécessaire à la santé et la qualité de vie de tous-tes les Québécois-es.

 

Récapitulatif des recommandations

Recommandation 1
Afin d’éviter que les municipalités soient accusées d’expropriation déguisée lorsqu’elles exercent leurs compétences, le RNCREQ recommande de clarifier le cadre réglementaire des pouvoirs municipaux en matière de zonage et de réglementation.

Recommandation 2
Le RNCREQ recommande que seules les expropriations à des fins de conservation restreignant tous les usages fassent l’objet d’une compensation financière auprès des propriétaires.

Recommandation 3
Le RNCREQ recommande que la valeur des compensations pour expropriation à des fins de conservation soit encadrée de manière à refléter la valeur marchande du terrain et non sa “valeur au propriétaire”, cette dernière s’apparentant à de la spéculation selon le RNCREQ.

Recommandation 4
Le RNCREQ recommande de mettre en place le plus rapidement possible la nouvelle mouture de la Loi concernant l’expropriation de manière à clore le plus rapidement possible les poursuites en cours et à permettre le déploiement des mesures de conservation.

 

En savoir plus

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Mots clés : Loi sur l’expropriation, expropriation déguisée, expropriation de fait, Loi sur l’Aménagement et l’urbanisme, LAU, conservation, conservation en terre privée, spéculation, spéculation immobilière, protection des milieux naturels, municipalités, zonage, valeur au propriétaire, Cadre Mondial de la biodiversité, Plans régionaux des Milieux humides et hydriques, MHH, Accord Kunming-Montréal.