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Le caribou à la COP15

Mercredi 14 décembre, Marie-Hélène Ouellet D’Amours, conseillère en environnement et en développement durable au CRE Bas-Saint-Laurent (CREBSL) était présente à un événement de la Fondation David Suzuki et de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) , tenu dans le cadre de la COP15 sur la diversité biologique à Montréal. Elle partage avec nous un résumé des discussions entourant la protection des hardes de caribous au pays, un enjeu de biodiversité important.

Les situations qui seront évoquées dans les prochaines lignes ressemblent peu à celle du caribou de la Gaspésie ou du caribou montagnard, qui nous tient bien occupés au CREBSL. En effet, les troupeaux de la rivière George et de la rivière aux Feuilles (caribous migrateurs) sont beaucoup plus populeux : respectivement 7 000 et environ 180 000 (contre 34 pour la population de la Gaspésie). Il faut savoir que le troupeau de la rivière George est passé d’environ un million d’individus à 7 000 aujourd’hui. L’ennoiement de réservoirs, la chasse sportive et les vols militaires à basse altitude par le passé sont pointés du doigt, mais Serge Ashini, leader autochtone innu, admet que la chasse de subsistance a également un rôle à jouer dans ce déclin, même si son impact est nettement moins important que celui des autres causes.

Safeguarding Caribou as Part of Our Web of Relations : A Path to Indigenous Cultural Resilience and the Protection of Indigenous Rights

Le titre de la présentation est en anglais car ce sera la langue principale. Nous sommes installés dans une petit salle pour une conférence en marge de la COP15, organisée par la SNAP Québec et à la Fondation David Suzuki. Une atmosphère de cordialité évidente règne entre les participants et pour cause : Autochtones ou pas, nous partageons tous l’objectif global du rétablissement des hardes de caribous, forestiers, montagnards ou migrateurs.

Marc Saint-Onge, responsable au développement du territoire et des consultations à la communauté innue d’Essipit, souligne d’une part l’importance du respect dans la culture innue et d’autre part le manque de respect flagrant des gouvernements envers les communautés innues lors des négociations sur le sujet du caribou, notamment en ce qui a trait au format des consultations. L’audience est assombrie par le constat que cette malheureuse expérience est partagée par plusieurs Premières Nations.

 

Solidarité entre nations autochtones

Au-delà des chiffres et des revers, c’est la solidarité entre nations autochtones qui frappe : offre d’aide, de support et même de chasse sur les territoires d’autres nations. En effet, une entente annuelle Innus-Cris, qui a débuté en 2022, permet la récolte par les Innus de 300 caribous sur le territoire des Cris (troupeau de la rivière aux Feuilles) dans le cadre d’une chasse de subsistance pour les aînés innus tout en diminuant la pression sur le troupeau de la rivière George. La réciprocité est au cœur de l’entente et les Cris pourraient chasser le troupeau de la rivière George si la situation s’inversait. Au-delà de la chasse, les répercussions d’une telle entente pourraient mener, pour les aires de répartition des deux troupeaux, à la reconnaissance officielle des territoires et à la création d’aires protégées.

 

Le symbole du caribou

Le caribou, pour les Innus, est analogue au dieu des catholiques, nous dit Mme Anne-Marie André, instigatrice du groupe innu Uapashkuss. «Il a permis que nous soyons encore ici aujourd’hui, encore vivants», rappelle-t-elle. Si la communauté a tant besoin de cette chasse de subsistance, c’est que le caribou, central dans sa culture, doit continuer à être présent pour que les anciens puissent enseigner aux jeunes les rituels, la spiritualité et les usages du caribou; en somme, pour préserver la culture innue, ni plus ni moins. Uapushkuss vise, entre autres, à faire reconnaître des sites sacrés en lien avec le caribou et les usages de la communauté innue et, ultimement, à en faire des aires protégées également.

 

Les claims miniers menacent la chasse de subsistance

Du côté des Naskapis, leur implication pour la création d’aires protégées strictes avec le Nunavik rencontre des obstacles et pas des moindres : les claims miniers se multiplient sur le territoire. L’urgence perçue est suffisamment importante pour qu’un arrêt volontaire de la chasse de subsistance du caribou de la rivière George soit étudié en ce moment, pour suivre l’exemple des Innus et de leur entente avec les Cris. Un projet potentiel d’élevage de caribous est également à l’étude à long terme.

 

La détermination des Premières Nations à sauvegarder les caribous de la rivière George et de la rivière aux Feuilles force l’admiration et accroît ma conviction : on ne protégera véritablement le caribou que lorsqu’il aura atteint une valeur suffisamment élevée dans notre façon de nous représenter comme humains au sein de la nature. Ce que la COP15 tente d’influencer depuis 10 jours… je nous souhaite à tous la meilleure des négociations.

 

Lire le dernier mémoire du RNCREQ sur les caribous forestiers et montagnards.